D'HIER A NOS JOURS

LA TERRE DE PESSAC SOUS LA MER

Il y a 25 à 26 millions d'années (période du pré-Aquitanien ou de l'Aquitanien inférieur ) la mer, couvrant le bassin Aquitain, couvrait donc tout ce qui constitue le sol ,t(,tuel de Pessac. La stabilisation des eaux dura environ trois millions années. Il y a environ vingt-cinq millions d'années émergeait le Monteil. L'Aquitanien laisse des traces au Pont de Lorient. Enfin, au Burdigalien, il y a environ vingt millions d'années, tout Pessac émerge. Son sol se présente, à cette époque, comme le sol de toute la région, semé de lagunes marines qui subsistèrent dix-sept à dix-huit millions d'années (de l'Helvétien à l'Helvétien supérieur). Les dépôts lagunaires de fossiles datent de neuf à dix millions d'années. Ils sont très rares. Les fossiles marins jonchent des couches plus ou moins profondes suivant les ondulations de notre ancien sol sous-marin. On peut les voir à l'Historial des amis du Beau et du Vieux Pessac. La collection qui y est < présentée " est due à la conservation continue de deux éminents sociétaires paléontologues : le professeur Malvesin-Fabre et monsieur Michel Ramiz, qui a complété et classé la collection. Ces fossiles qui vivaient en période chaude ne s'étant pas adaptés aux glaciations, sont restés sur place et se sont éteints. Certains de leurs semblables ont pu émigrer vers des lieux plus cléments, en particulier sur les côtes espagnoles et africaines.

 

LA TERRE DE PESSAC SOUS LES GLACES

Au cours de glaciations successives, la mer s'est retirée partiellement dix-huit fois. Chaque fois, son niveau a baissé, l'évaporation a provoqué des retombées pluviales, épaississant les glaces et provoquant des épanchements de surface, jusqu'au réchauffement général de l'inter-glaciaire. Nous n'entrerons pas ici dans les détails de l'alternance des glaciations (,t des réchauffements. D'après les plus grands spécialistes qui se sont succédé : Biber, Douan, Gunz, Mindel, Riss (la plus importante), puis quatre Wurni', successifs, la fin du dernier Wurm se situe à 8 000 ans. Elle fut suivie d'un réchauffement qui a duré 2 000 ans et d'une stabilisation. Soit au toi@i 72 000 ans marqués de onze transgressions.

LA FAUNE ET LE CLIMAT POST-CLACIAIRE

Bien que la forte calotte glaciaire du Nord n'ait jamais atteint notre région, on peut affirmer que les hivers furent très rigoureux dans tout le pays. Bien que les variations de température soient plus grandes sur les terres émergées que dans l'océan, les mollusques sont descendus vers les mers chaudes du sud ou ont disparu, ne pouvant s'adapter à la vie lagunaire, aux mutations de climat préparant l'assèchement. La disparition de la salinité n'a permis que la mutation partielle vers une faune lacustre fragile, bientôt étouffée par l'investissement de nouveaux sédiments. Quand la glace a fondu, l'eau s'écoulant vers l'actuelle vallée de la Garonne a laissé un fond de graves descendues, au cours des millénaires, des montagnes entourant le Bassin Aquitain... terre de vigne (plantée après l'arrivée des Romains). Un vent froid a soufflé du sable sur le reste de la commune... terre de lande (couverte de forêts de pins, fin xixe siècle).

L'ARRIVEE LENTE DE L'HOMME

C'est le sujet exclusif du tome Ili de l'Histoire de Pessac. En ce temps-là, l'immense terre aride et déserte de lande s'étendait encore entre Le Monteil et Toctoucau, entre Pessac et Gradignan. De grands troupeaux itinérants de moutons, conduits par des bergers-échassiers, vêtus de peaux de bêtes, parcouraient cette lande de " lagunes " en " lagunes ". Les rares champs, épars dans un aride désert l'été, semé de marécages l'hiver, étaient entourés de rangées de chênes les protégeant du vent d'ouest. Le jeu important et généreux des pépinières royales enrichit notre soi de toutes les variétés d'arbres autres que les pins et les chênes : arbres de plaisance de nos parcs et arbres fruitiers divers. C'est le siècle du défrichement et de l'assèchement, du point de départ de l'esquisse d'un cadastre partiel avant le vrai cadastre. Montesquieu, intéressé par le vin de Pessac, y fit bâtir une maison (actuel Bacalan). De belles demeures sont éparses dans la paroisse : le Château du Vallon (détruit), la Chartreuse des Roses (Xavier Arnozan), la Chartreuse de Camponac (transformée depuis en château), l'extraordinaire Ferme Expérimentale de Lafon de Ladebut, dont il ne reste plus que le moulin protégé, la chartreuse très classique du bourg (maison du Médecin d'avant la Révolution), la maison de Bagatelle, dont la fort belle orangerie est protégée... étaient les plus remarquables traces de cette époque, les échos épars du prestigieux Bordeaux contemporain. Toute la vie de Pessac sous la Révolution est racontée, riche de témoignages écrits jamais exhumés jusqu'alors... dans le tome 1 1 1, après dix ans de recherches.

DU XIXE SIÈCLE A NOS JOURS

C'est seulement dans la deuxième moitié du XIXE siècle qu'au milieu des vignes, on trace l'actuelle place de la République, plaque la façade de la mairie contre un bâtiment antérieur après avoir déplacé le cimetière du tour de l'église. Le Pessac-Centre actuel est né entre 1852 et 1863, à deux pas du village vigneron du Poujeau. Des hameaux sont encore semés dans la campagne : La Donne, Madran, Le Monteil... Dès 1926, ils seront progressivement reliés par les lotissements de grandes ou petites propriétés. Le dimanche, chacun cultive quelques règes de vigne et des fraises dans l'enclos familial. Progressivement, 54 vignobles exploités en 1 874 et répertoriés à l'Historial des Amis du Beau et Vieux Pessac se réduiront à ce qui reste de nos jours : le célèbre Haut-Brion et les Carmes Haut-Brion, le célèbre Pape Clément et le Haut-Brana. La commune devait alors sa réputation à ses vins, à ses fraises, à ses tonneliers, à ses fabriques d'enveloppes de bouteilles en paille. Les petites industries typiquement locales ont cédé la place à un vaste parc industriel dont les usines non polluantes logent dans un cadre de verdure, dans la direction de Canéjan. On y trouve l'Hôtel des Monnaies de France (Monnaie de Paris).

Né, en début de siècle, station climatique et de plaisance, Pessac s'équipa de sanatoria qui, après les progrès de la-médecine en phtysiologie, ouvrirent des sections hospitalières diverses. L'un d'entre eux, le Haut-Lévêque, s'enrichit d'une section de cardiologie de renommée internationale, première dans la réussite des transplantations cardiaques. Les plus grands savants y opèrent.

Les multiples châlets de vacances éparpillés sur notre territoire, nichés dans les bois à la Belle Époque... sont devenus progressivement les résidences principales d'une coquette ville dans les quartiers où on a pu résister aux urbanistes et aux bâtisseurs. Après 1897, toujours préoccupé " par l'effet qu'il peut faire ", Pessac eut même un casino riche de deux orchestres, d'une troupe de comédie, d'une troupe d'opérette... et des vedettes de passage. Il était entouré de belles villas Napoléon 111, toutes différentes, mais harmonisées par des grilles assorties. Déjà un souci d'urbanisme sage ! Il fut même concurrencé par un établissement plus populaire mais prestigieux : l'Élysée, possédant salle de bal et de spectacle, cinéma, trois salles de banquet. C'est là que le maestro Claude Saint-Orens créa l'hymne local : " La Marche Pessacaise ", que vient de relancer monsieur Sicre, premier adjoint au maire de Pessac, à l'occasion du jumelage avec Burgos. Bien entendu, on allait de Bordeaux à Pessac à pied, à cheval, en voiture à cheval.

Des tramways à chevaux assurèrent les transports publics. Ils furent rapidement suivis par les tramways électriques, dont motrices et remorques transportaient les foules. Le terminus des tramways électriques fut longtemps fixé à l'Alouette, puis repoussé à l'entrée du chemin des Sources dans Cestas. Aujourd'hui, un service d'autobus va jusqu'à Toctoucau. Ces commodités de circulation avaient surtout grand succès le dimanche, faisant de Pessac un lieu de détente pour la jeunesse bordelaise qui allait successivement danser ou se rencontrer au \/allon, au Casino, aux célèbres bals de l'Élysée, au Monteil, à l'Alouette, chez Larrue, ou au Rond-Point, à la Belle-Assise, aux Sources de Gazinet. Aujourd'hui, la vie locale du dimanche ne conndit plus que le succès du marché public ou d'un " disco ". L'automobile ayant raccourci les distances, on va tuer plus loin le temps de sortie du dimanche.

Cependant Pessac, riche d'une importante urbanisation, de lotissements nouveaux, peuplé de nombreux résidents jouissant de son écrin vert, fête quand même sa traditionnelle Rosière, organise de nombreux festivals attirant des foules de l'extérieur. Pessac est aussi riche de nombreux équipements sportifs, dont un golf international. Les Amis du Beau et du Vieux Pessac applaudissent avec joie à tout ce qu'on fait pour Pessac, critiquent tout ce qu'on fait contre Pessac, persuadés que le Vieux Pessac apporte valeur et charme à la vie contemporaine, veillent à ce que son coeur batte toujours au sein de la ville à laquelle le village a donné naissance. L'avenir n'est ouvert qu'à ceux qui savent lire dans le livre du passé.

 

Raphael Saint-Orens